vendredi 26 décembre 2014

Café-Mojito

Une photo de cadavre dans un tiroir en Une, un titre choc avec le mot "école" dedans et ma collègue qui manque de vomir le petit déjeuner qu'elle n'a pas encore commencé après avoir à peine entrouvert la page 2 du libé gracieusement offert par l'hôtel Mercure pour agrémenter le début de journée de sa clientèle. Bon appétit. Je n'en saurai pas plus, si ce n'est le mot "Pakistan", et peut-être bien "talibans" aussi, à moins que ce soit le fruit de mon imagination rompue aux gimmicks de la propagande occidentale. En effet, soucieuse de préserver mon humeur, qui risquerait d'être ternie par l'attaque matinale de mon bunker, ma collègue s'est immédiatement censurée : "Je ne préfère rien te dire", puis elle a refermé, replié et reposé le canard face contre table comme s'il brûlait. Tout au long du repas, elle jettera des œillades noires répétées dans sa direction, comme on tient un ennemi en respect du bout du canon de son arme. Ce qui ne l'empêchera pas de ramener l'otage dans sa chambre pour boire le calice jusqu'à la lie.

Ding dong ! La rédaction de cette chronique est interrompue par un message de mon cher beau-frère "On a bien fait de boire tous ces mojitos ! On en voit le résultat !" Est-ce parce que je suis précisément en train de conter comment ma collègue a héroïquement fait rempart de son corps pour protéger mon bunker anti-média que je vois dans ce SMS matinal un autre assaut, mal dissimulé derrière son camouflage de blague de pochtrons. Sans coup férir, je réponds du tac-au-tac "Ah bon ? Que se passe-t-il ? La menthe vient d'être classée plante protégée en voie d'extinction ? La source Perrier est tarie ? Havana Club annonce des bénéfices records ? La Corée du Nord a envahi Cuba ?" puis j'en profite pour glisser une page de pub en évoquant la rédaction de cette chronique, dont il n'a à ce jour pas connaissance.

En grand lecteur et médiavore qu'il est (imaginez un peu : il est même capable d'acheter "La République du Centre" lorsque nous sommes en week-end chez mes parents, c'est dire. Non, pas "Le Courrier du Loiret" non plus, faut pas déconner), il doit à présent être plongé dans la lecture des maigres archives du blog car il ne me réponds pas. Ou alors, il imagine, le dangereux inconscient, que je suis parti de mon propre chef à la recherche de l'actualité brûlante liée à une consommation présupposée non négligeable de cette potion magique qui allie la canne à sucre sous sa forme broyée ou sirupeuse d'une part et distillée d'autre part, le citron vert ou jaune selon les moyens du bord, la fameuse "hierba buena" et "l'eau qui pète, mais point trop pour pas l'neyé" comme le beauf' en question se l'est entendu dire dans des contrées françaises dont la ruralité n'a pas grand-chose à envier à la Sierra Maestra, dans lesquelles il s'employait à populariser ce doux breuvage plusieurs années avant que d'autres ne le fassent avec grand succès dans tous les bars branchés de Paris et d'ailleurs.

Non, je n'irai pas fouiner sur google actualités pour comprendre à quoi il faisait allusion, d'autant qu'il y a fort à parier, même si le lien peut paraitre ténu, qu'il ne s'agisse de la mort de Fidel. Pourtant, s'il y a bien une info que j'ai traquée ces dix dernières années, c'est justement… la rubrique nécrologique ! Eh oui, figurez-vous que le beauf' en question, encore lui, m'avait aimablement invité à participer au jeu (très bon enfant) consistant à parier sur les cinquante célébrités qui ne passeront pas l'année civile. Jeu repris et développé par mes soins avec passion auprès de mes propres amis pendant quelques années, me conduisant ainsi à utiliser les médias comme un étrange outil macabre. On peut se divertir de tout, "mais pas avec n'importe qui", mon cher Pierre. Même de la mort. Mais pas en Une de libé, surtout au petit déj'.

mercredi 19 novembre 2014

Du stripteaseur nain au scandale d'état

Au secours ! La presse en ligne revient… Promis, j'avais arrêté. Complètement. Et même passé une honorable période de sevrage. Que s'est-il passé ? Tentons de remonter le fil. Aux origines… il y a probablement eu Yahoo! News, et sa fameuse rubrique "insolite". J'ai même deux copains qui sont encore accros, plus de dix ans après la fin des études ! Et comme ils n'ont pas passé le cap des réseaux sociaux non plus, c'est par mail qu'ils nous transmettent leur trouvailles. Oh, ça va : on plafonne à 2 ou 3 par an. La dernière, c'était la jeune mariée espagnole enceinte du strip-teaseur nain. Vous y avez eu droit aussi ? Eh oui, c'est comme ça. C'est comme le scootergate, il y a des news auxquelles on ne peut pas échapper…

Donc au commencement était Yahoo! News, supplanté (comme son moteur de recherche) par Google Actualités, meilleur compagnon des étudiants et salariés désœuvrés de tous poils, qui ont toujours un onglet ouvert, et le pouce et l'annulaire arc-boutés sur les touches alt et tab pour dissimuler le péché dès qu'une ombre se manifeste dans leur dos (ah bon, vous n'utilisez pas l'annulaire, vous ?) Ensuite, au-delà de la déception des versions web de la presse traditionnelle, perdus dans leurs grandes interrogations sur le partage du contenu et le modèle économique à adopter, nous avons vu émerger des pure players avec des contenus dignes d'intérêts.

Evidemment, ce n'est pas le même débit que les agrégateurs façon Google et Yahoo! mais une fois qu'on a trouvé une source à son goût, on peut la boire jusqu'à l'origine des temps. C'est notamment ce que j'ai fait avec backchich. L'ancienne version, bien sûr, époque Nicolas Beau. Ah lala, même deux ans plus tard, qu'est-ce que je me suis poilé devant les premières vidéos de l'ancienne barbouze du RPR flinguant "le Kaïser Sarkoko" et "Tristounet 1er " comme à la foire. Las, backchich est mort. Je n'ai pas raté la mode rue89 non plus. Mais le rachat par le nouvel obs m'a stoppé net. J'y allais presque tous les jours et je ne pense pas y être retourné lire un seul article depuis. Pourtant probablement que la ligne éditoriale est restée plus ou moins la même… question de principe, rien que de voir le logo dans la manchette, je risquais de développer un urticaire. Traumatisé, je vous disais.

La presse en ligne, c'est fourbe, ça colle aux doigts comme le sparadrap du capitaine Haddock dans le sceptre d'Ottokar. Même lorsqu'on a réussi à rompre avec l'onglet Google Actualités ouvert toute la journée au-cas-où-il-se-passe-un-truc-dont-on-pourrait-parler-à-la-pause-café, les liens reviennent partout à longueur de journée : revue de presse, boite mail, réseaux sociaux… et à la fin de l'article, deux pièges atroces attendent le lecteur : des liens vers d'autres articles, sournoisement calculés par de vicieux algorithmes ayant étudié les tréfonds de l'intimité de vos cookies pour suggérer LE titre racoleur sur lequel vous ne pourrez résister à cliquer, tout en ayant un peu honte de le faire, mais pas trop, et surtout, l'horreur absolue offerte par le fameux "internet-deux-point-zéro", dont la lecture est capable de rendre misanthrope n'importe quel sage bouddhiste : le forum des réaction(naire)s.

Bon, dis comme ça, ça ne donne pas vraiment envie de replonger. Comment diable le bout de sparadrap a-t-il pu passer la porte de mon bunker anti-médias après en avoir été si courageusement chassé ? Voilà, j'avoue, c'est très simple. Après dix ans d'une héroïque résistance contre vents et marées, j'ai, je sais Monsieur le Juge, je n'aurais pas dû, voilà, eh ben, j'ai… créé un compte Facebook. "Pour raisons professionnelles" m'empressé-je immédiatement de préciser. Il ne porte pas mon nom mais celui de ma marque, je n'y poste pas de photos de mes gosses mais celles de mes créations, etc. C'est dans l'espoir de faire vivre ma famille avec un gagne-pain moins crasse que celui qui m'est promis dans les couloirs de cette grande entreprise que j'arpente depuis de trop longues années, voyez-vous. Une noble intention, quoi. Ce n'est pas du tout pour envoyer des like et des poke à longueur de journée sur des blagues de potache, ouhlala, non, Dieu me tripote… N'empêche ! J'ai des vrais amis qui sont devenus des amis Facebook. Il y en a même qui ont de l'humour voire de l'esprit. Et qui l'expriment sur Facebook. Ce qui m'attire irrépressiblement vers la lecture de ce "fil d'actualités" qui ne porte que trop bien son nom tant il regorge d'articles de presse, de surcroît recommandés par des amis, les vrais et les faux. Bon, dans 95% des cas je me contente de la lecture du titre, mais c'est déjà trop à mon goût. Et puis parfois, je craque : je suis le lien et lis l'article. Hier soir, c'était Mediapart qui s'offusquait que l'AFP, et dans son sillage tous les autres médias, refusent de relayer leur information concernant la publication du rapport d'expertise graphologique commandité par la justice attestant l'authenticité du document qui prouve que Kadhafi a bien financé la campagne présidentielle de Sarkozy à hauteur de 50 millions. Bigre ! Me voici détenteur d'une information de la plus haute importance ignorée du grand public. Je vous l'avais bien dit : la presse en ligne, c'est dangereux.

mercredi 15 octobre 2014

Marcos et Maslow

Alors oui, bien sûr, il y a Arte. Nous avons regardé cette semaine en replay le documentaire sur la "girl culture" que l'on nous avait recommandé. Et avant lui, celui sur Goldman Sachs et puis aussi la série sur le pétrole. Et nous avons dû en rater beaucoup d'autres du même acabit. Devons-nous le regretter ? Dois-je sortir la tête du bunker une fois par semaine pour regarder ce que propose Arte 7+ ? Pourquoi pas ? D'ailleurs, ces documentaires constituent-ils un média en soit ? C'est un format magazine, qui ne donne pas dans "l'actualité". Et puis surtout, les sujets abordés sont précisément ceux que passe sous silence l'immense majorité des médias.

Alors oui, il y a Arte. Et le Monde Diplomatique. Vous avez déjà essayé de lire vraiment le Monde Diplomatique ? Moi ce que je préfère, c'est les images. Illustrer l'actualité par des tableaux contemporains, je trouve l'idée magnifique. Par contre, pour la lecture, la vache, il faut s'accrocher quand même. Je me souviens encore très bien de ma première tentative. Je devais avoir une vingtaine d'année et j'avais crânement amené lors d'un week-end en belle-famille un exemplaire de cet outil de lien présumé entre (ce qui peine à subsister de) la révolte des masses laborieuses et l'action feutrée des universitaires parisiens, où la bravoure se mesure au nombre de qualificatifs subversifs glissés dans une publication sérieuse au nez et à la barbe du comité de rédaction. Bref, de quoi conquérir la reconnaissance de cette famille sociale-démocrate (je ne disais pas encore "social-traitre" à l'époque) de classe moyenne, instruite et misant sur l'investissement dans l'immobilier locatif comme ascenseur social, tout en affirmant une forme de rébellion acceptable.

Cerise sur le gâteau : la feuille de chou promettait une interview exclusive du Zorro des temps modernes, menée par l'un de mes auteurs de romans policiers favoris, jouant au journaliste pour l'occasion. Et c'est là que le bât a commencé à blesser. Comment dire ? Je ne sais pas combien d'années d'études, de recherches universitaires et de lectures ils cumulent à eux deux, mais pour la vulgarisation, tu repasseras. J'avais dû mettre le premier échec sur le dos du grand cru servi par joli-papa à midi, retenté ma chance le soir (avant l'apéro!), et probablement même le lendemain matin à jeun, mais nib! je ne suis jamais parvenu à finir de lire, ni commencer de comprendre, ce brin de causette entre Manuel Vazquez Montalbán et le sous-Commandant Marcos. J'étais un peu jeunot, remarquez, il faudrait que je retente ma chance. Ce que je n'ai pas manqué de faire (très) sporadiquement avec d'autres exemplaires dans les années qui ont suivi, indépendamment de ma rupture avec l'héritière d'un patrimoine immobilier à la croissance plus soutenue que celle du nombres d'abonnés au monde diplo. Tentatives répétées qui m'ont permis d'affirmer ce goût pour le parti pris éditorial dans le choix des illustrations.

Alors oui, il y a Arte et "le diplo". Et d'autres médias valables bien sûr. "Tu ne lis même pas Courrier International ?" m'objecte-t-on régulièrement. Ben non. J'ai déjà feuilleté bien sûr, mais il y a un truc qui me chagrine : si l'on s'accorde à dire que les grands quotidiens français ne valent finalement pas tripette, pourquoi ceux des autres pays seraient-ils moins mauvais ? Que leurs journalistes racontent moins de conneries que les nôtres sur la situation locale, c'est effectivement plus-que-probable. Le point de vue de Sirius a ses limites. Que la sélection d'articles soient rigoureuse et la traduction qualitative, soit. Mais de là à porter au pinacle une sorte de "best of mondial" du journalisme mainstream, ça équivaut à se satisfaire du palmarès des Grammy Awards comme sélection musicale, non ?

Alors oui, il y a de bons médias. Il y a aussi de très bons metteurs en scène de théâtre. D'excellents chorégraphes, des plasticiens qui n'usurpent pas le crédit qu'on leur porte, et puis, et puis… Nombre de nos congénères se passent de théâtre, de ballet, d'art contemporain et tant d'autres choses qui nous ouvre les yeux et l'esprit sur la perception du monde, le rapport aux autres, notre place dans la société… En quoi une dose quotidienne d'actualités serait-elle plus utile, plus enrichissante, plus incontournable que le reste ? Comment et pourquoi notre société place-t-elle l'information aussi bas dans la pyramide de Maslow ?

dimanche 5 octobre 2014

Vive Sport-Auto !

La nouvelle de la semaine contre laquelle mon bunker anti-médias s'est révélé totalement impuissant est le retour de Sarkozy en politique. Evidemment ? Je ne sais pas si cela est si évident. Il y a très certainement des choses bien plus intéressantes dans l'actualité, donc tues ou à peine évoquées par lémédias… "Le bon côté des choses, c'est que même le nouvel obs a sorti un bon numéro du coup
- euh, pardon Christelle ? le nouvel observateur ?! on parle bien du torchon de Daniel et Joffrin saturé de pubs pour les marques de luxe qui parvient miraculeusement à faire croire à mon père que le gouvernement PS est encore de gauche ?
- oui, je suis d'accord, c'est de la merde le nouvel obs. Mais là, je te promets : ils ont fait un numéro excellent !
- ah."

Depuis cette discussion, vous vous doutez bien que je me suis bien gardé d'aller juger sur pièce. Comme vous l'avez compris, le nouvel obs, ça touche à la famille. La blessure est donc profonde. Encore plus que celle de France Inter probablement. J'ai donc laissé le nouvel obs à sa place : aux toilettes, sur les étagères chez mes parents, au fond de la cuvette en ce qui me concerne. J'ai toujours vu le nouvel obs sur les étagères des toilettes de mes parents, aussi loin qu'il m'en souvienne. Peut-être même qu'au début il n'y avait pas de page de pub de luxe et que le gouvernement PS était encore de gauche, c'est dire si ça fait longtemps qu'ils sont abonnés. Je n'avais pas l'âge de lire le nouvel obs à l'époque. Je me souviens surtout de la super collec' de "sport auto" de mon père avec des photos de voitures de sport (et du catalogue des 3 suisses de ma mère avec des photos de lingerie, évidemment).

Et puis j'ai grandi. J'ai délaissé les Lamborghini (mon père aussi, d'ailleurs, il n'y a plus de sport-auto dans les toilettes depuis un moment ; je trouvais ça bien au début car passé 20 ou 25 ans j'ai fini par trouver ça beauf' ces bagnoles qui tournent en rond pour cramer du pétrole, mais finalement, je me demande si cette ruine écologique n'est pas préférable à l'entreprise de ruine idéologique de la gauche de Daniel et ses acolytes) et les soutien-gorge à balconnet aussi (on pouvait voir les tétons en vrai sur ce modèle, non ? je parie que ce n'est plus le cas aujourd'hui… Il y avait aussi les vibros dont la photo montrait qu'ils servaient à se masser le visage. Rah la bonne blague !) et j'ai attaqué la lecture du nouvel obs. J'en ai lu des tonnes. Des "téléphone rouge" que je trouvais audacieux (je n'avais pas encore découvert le "canard enchaîné"), des baromètres "en hausse"/"en baisse" avec des hommes du PS dans la première rubrique et des hommes du RPR dans la deuxième, et parfois même peut-être des femmes dans l'une ou l'autre, les petites annonces "méli-mélo" de gens s'auto-qualifiant de "couple BCBG" à la recherche du grand frisson avec une jeune femme de la moitié de leur âge, les annonces immobilières de grands bourgeois… et puis la rubrique "notre époque" qui n'a pas grand-chose à envier aux reportages du point ou de l'express, voire de détective parfois. Je ne crois pas me tromper en disant que c'est par là que le doute a commencé à s'immiscer relativement précocement. Par ce sentiment malsain mêlant voyeurisme et incrédulité, amenant peu à peu la question "à quoi ça me sert de lire ça?", puis ensuite l'autre grande question "à quoi ça leur sert de l'écrire?"…

Heureusement, il y avait les "lundis de Delfeil de Ton" et puis les chroniques de François Reynaert. Là, on se fendait franchement la poire. On a pu m'entendre glousser par la porte des toilettes quand je lisais Reynaert, je pense. Les "nanars" de François Forestier dans téléobs valaient le détour aussi. J'ai fini par délaisser tout le reste. La même histoire que France Inter avec Porte, Guillon, Morel et Aram en fait. Et puis au bout d'un moment, la pellicule de chocolat noir fin à l'extérieur ne fait plus oublier l'infâme mélasse volontairement trop sucrée à l'intérieur, destinée à vous transformer en mouton légumineux de cette société ultralibérale et bouffie dans laquelle le nouvel obs joue son rôle de miroir aux alouettes donnant l'illusion d'une alternance entre deux bords qui n'en forment plus qu'un. Alors j'ai arrêté de sucer la croute avant de recracher, j'ai tout balancé, à commencer par l'emballage putassier plein de couleurs du marronnier de la saison : prix de l'immobilier, franc-maçonnerie, les bons hôpitaux, les meilleurs écoles ou lycées, etcetera, dans un infini ballet de feuilles mortes qui dure depuis dix ans ou plus.

lundi 29 septembre 2014

PQR vs. Gratuit

"Tramway : la fréquentation des stations dévoilée".
Il y a donc quelqu'un à la rédaction de notre avatar local de ce qu'on appelle la pé-cu-hère dans le jargon (pour Presse Quotidienne Régionale, pour les non-initiés), qui a imaginé qu'en placardant ce titre sur des affiches à l'extérieur des troquets de notre chère préfecture, les ventes de son torchon allait augmenter ? Pas besoin d'être médiaphobique pour tourner les talons et s'enfuir, il suffit d'un brin de déduction. Si c'est ÇA le titre vendeur aujourd'hui… c'est donc que le reste est ENCORE moins intéressant ?! Fichtre, ça laisse songeur.

En même temps, c'est ingrat la pécuhère. Ben oui, il ne se passe pas souvent des trucs intéressant dans une préfecture. Sans compter qu'il y a rarement de canard concurrent, donc personne sur qui copier. Pire : pas d'AFP, ou si peu... Il faut aller sur le terrain, traquer l'info, écumer les fossés à la recherche des chiens écrasés, longer les couloirs des maisons de retraite à l'affût d'une célébration de centenaire, courir les salles des fêtes pour glaner le nom de la gagnante du filet garni ou se faire préciser le poids exact de boudin ingurgité par le médaillé du concours... Ce doit être épuisant. Et si c'était eux les héros de l'info, en fait ?

Sans eux, que deviendrait les discussions dans les salons de coiffure, dans la salle commune de la maison de retraite, à l'entracte des parties de loto des salles des fêtes…? Je ne daigne personnellement acheter la pécuhère que lorsqu'elle annonce la naissance de mes enfants, et je la lis encore moins souvent. C'est absolument indigeste, mais c'est peut-être finalement la presse la moins inutile, la moins efficace pour laver les cerveaux, la seule à tenter de créer du lien social là où tant d'autres attisent les haines.

Toute tentative de production journaleuse locale est-elle pour autant vaine ? Eh non, je dois ici faire un aveu. Il est un canard local, de surcroît gratuit, pis : distribué devant la gare par quelqu'un affublé d'une casquette de couleur vive, que je confesse lire relativement souvent. Une brèche dans mon bunker. C'est écrit en bon français, l'angle de traitement de l'information est souvent malin, y'a de bonnes blagues de potache glissées ici et là... je lis ! Je lis, que dis-je, je feuillette, ce qui est déjà énorme, et je saute volontiers la double page national/international, pour ne pas risquer de rattraper mon précieux retard accumulé sur les headlines, pour me garder de combler ma douce ignorance de l'actualité.

dimanche 7 septembre 2014

Je ne sais pas

Je ne sais pas. Je ne sais pas si vous vous imaginez à quel point je ne sais pas. Poutine, par exemple. Je ne sais pas un traître mot de ses dernières frasques dont lémédias font régulièrement leurs choux gras. La dernière fois que j'ai entendu parler de lui, c'était pour la commémoration du débarquement de Normandie, lorsque d'aucun avait prétendu que sa présence gâchait la fête et qu'un petit génie avait rétorqué par une chouette infographie comparant le poids du sacrifice humain consenti par l'URSS et les USA dans la lutte contre le nazisme.
Je savais vaguement à l'époque aussi qu'on lui reprochait des opérations militaires en Crimée. C'est le directeur de l'école des enfants qui avait vendu la mèche le jour de carnaval. Contrairement à tous les autres, enfants et parents confondus, qui m'avaient appelé "capitaine Haddock" malgré le t-shirt rouge frappé d'une faucille et d'un marteau en lieu et place du col-roulé bleu accompagnant veste et casquette marines, le directeur avait fait une plaisanterie sur l'actualité en Crimée. Et une micro-brèche dans le bunker anti-médias en direction de la Russie (si, si, je sais qu'on ne dit plus URSS, merci)... il y a trois mois ! Trois mois sans Poutine, donc. Pas mal, non ?

Valérie Trierweiler. Je ne sais pas ! Je l'ai vue sur la une de Match ou un équivalent hier soir dans un kiosque avec le titre "ma vie avec François". Ah ? Elle serait encore avec Hollande malgré le scooter-gate ?! (eh oui, il y a des sujets auxquels on ne peut échapper. La porte du bunker a plié sous l'assaut du scooter-bélier). Silence radio au sujet de Valérie Trierwieler depuis ce vaudeville élyséen. Ça doit bien faire six mois au moins, non ? Vous aussi peut-être en fait...

Une autre, une autre ! Allez, le marronnier de la décennie : Marine Le Pen. Je suis sûr que vous vous la farcissez quasi quotidiennement. Quand diable ai-je entendu parlé de Marine Le Pen pour la dernière fois ? Sa voix à elle, déjà... Une éternité. Peut-être bien depuis les présidentielles. Si, si ! J'en devine certains qui commence à m'envier. Et sinon ? Sa réaction au remaniement ministériel ? Je ne sais pas. À la reprise du conflit israëlo-palestinien ? Je ne sais pas. À l'interdiction des manifs en France qui a suivi (ah oui, ça je sais, merci Youssef)? Je ne le devine que trop bien, mais je ne sais pas. A-t-elle commenté la Crimée, le scooter-gate, autre chose ? Je ne sais pas ! J'ai dû entendre parler d'elle pendant le débat sur le mariage pour tous, il y a... plus d'un an ! Peut-être un truc ou deux depuis, maximum, mais je ne sais plus.

Je ne sais plus.

dimanche 31 août 2014

Pigasse-Rotschild

Soixante-dixième année… déjà !
-Eh oui, c'est vieux comme le Monde !"
Plaisanterie facile hier soir au comptoir de notre bar cosy et tendance en réponse à ma compagne qui lit ingénument l'en-tête du "quotidien du soir" dont un exemplaire est religieusement posé à côté de la caisse, solitaire étendard de vertu médiatique française dans cet endroit distingué.

La Une est consacrée au remaniement ministériel, photo du visage d'Hollande en plan serré à l'appui. Il a changé de lunettes, non ? Il faut dire que ça fait un bail que je n'ai pas croisé l'image du visage de notre Président de près. J'ai même failli oublier que Valls était Premier Ministre ! Je me souviens d'une époque où, passionné de politique intérieure par atavisme, je pouvais citer aisément plus des trois quarts des noms des ministres, et raillais la difficulté de certains congénères à en aligner deux ou trois. La légende disait même qu'une part non négligeable des candidats à je-ne-sais-quel concours prestigieux aurait été infoutue de citer le nom du Premier Ministre en exercice. Outrage à la République !

Las. Ce jeu de marionnettes interchangeables a totalement cessé de me passionner. La déconfiture idéologique du PS, que plus personne ne peut s'autoriser à associer au concept de "gauche" en ma présence sans que je ne le reprenne vertement (sic), recèle sans doute une part de responsabilité plus grande encore dans cette lassitude que la mesquinerie du ballet médiatique qui l'accompagne. Qu'importe la virtuosité des musiciens lorsque la partition est aussi crasse ? Le dernier élément de la vie politique française qui a attiré mon attention fut le discours de Taubira à l'Assemblée Nationale pour l'ouverture des débats sur le mariage pour tous. Ma chérie est rentrée à la maison en disant que ses amis-de-réseau-social en recommandaient chaudement le visionnage. Nous l'avons regardé côte-à-côte, assis dans le lit avec l'ordinateur portable posé sur les genoux, du début à la fin. C'était beau ; j'ai pleuré.

Quant à ce nouveau gouvernement Valls, je n'en connaîtrais pour l'heure, et ce jusqu’à ce que les frasques de l'un-e ou l'autre parviennent à s'infiltrer par une meurtrière de mon bunker anti-médias, que les trois noms égrenés plus tôt dans la soirée par ma chérie "Belkacem à l'éducation, exit Montebourg, et un ptit nouveau aux finances qui sort de chez Rotschild". Ah tiens, ça ne fait qu'un seul nom de Ministre en fait… à l'évocation de cette référence dans le CV du grand argentier, nous nous en sommes immédiatement tapé une bonne tranche en répétant avec des trémolos dans la voix la grande tirade du discours de campagne au Bourget.

dimanche 24 août 2014

Bagdad-Rome

"Un quart d'heure de France Inter, j'ai ma dose d'atrocités pour l'année, peut-être même deux". Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est ma chérie. Après que, sur le chemin du retour des vacances, abrutis par des heures de route à faire slalomer notre vieil autoradio-K7 entre les publicités pour tenter de couvrir le ronron du diesel par une musique au goût de nos oreilles, j'ai étrangement commis une entorse à mon ascétisme en laissant France Inter débiter lézinformations.

Il faut dire que ce n'est pas rien France Inter. C'est une cicatrice profonde. C'est probablement mon histoire la plus sérieuse avec une source d'informations. Combien de temps ai-je religieusement écouté la matinale dès le réveil et jusqu'à l'arrivée au boulot ? Deux, trois ans peut-être de belle fidélité avec ce ballet bien huilé. Actualités, reportage, actualités, invité, chroniqueur, questions des auditeurs triées sur le volet, actualités… jusqu'à cette violente rupture.

Non, ce n'était pas à cause de l'éviction de Didier Porte et Stéphane Guillon par Philippe Val et son "nez rouge" facultatif. Déjà à l'époque je n'écoutais plus de la matinale que leurs chroniques en podcast. Pas la première tentative d'éviction de Mermet non plus, ni la deuxième, ni la dernière… il semblerait que la série touche à sa fin si j'en juge le ton plus vaincu que jamais des campagnes de soutien qui parviennent dans mon bunker. Pas non plus l'éviction, moins bruyamment relayée mais tout aussi significative de Martin Winckler pour avoir osé, le félon, attaquer le lobby pharmaceutique à l'antenne. C'était un peu avant ou un peu après… à l'ère Paoli donc, avant que sa santé ne l'écarte du micro de la matinale. À propos, savez-vous quelle folle rumeur avait couru chez les zoditeurs de France Inter ? Que les appels quotidiens des fatals flatteurs du regretté "plan B" pendant la séance de questions à l'invité étaient à l'origine de ses problèmes de santé ! Rien que ça.

Bon, vous avez trouvé quelle erreur de ce bon Paoli je n'ai jamais pardonné à France Inter toute entière (moins Mermet, Porte, Guillon, Aram et Morel en podcast, modestes et géniales fenêtres dans les murs de mon bunker médiaphobique) ? Pas son manque critique de goût pour le calembour, le laissant sans voix lorsqu'un auditeur prétend crânement être un parent car lui aussi n'est "pas au lit" bien sûr, mais sa systématique prise de partie en faveur du "oui" pendant toute la campagne du référendum sur le traité constitutionnel. Ce défaut de neutralité politique caractérisé, ce bourrage de crâne quotidien, qui n'est en rien excusé par son échec dans les urnes.

Bref, au menu des réjouissances notamment aujourd'hui, l'Emir de Bagdad revendique l'assassinat d'un journaliste américain, ce qui provoquerait un revirement à 180 degrés de la politique extérieure d'Obama au Moyen Orient. Eh ben ! c'est du lourd pour un mois d'août ça ! Je prends un cours de rattrapage accéléré au passage : les soldats de l'Oncle Sam auraient quitté l'Irak et un gouvernement islamiste aurait pris la suite, avec cet Emir tortionnaire à sa tête. J'apprends aussi que le journaliste avait souscrit une assurance privée pour négocier son hypothétique libération en cas d'un éventuel enlèvement, puisque le gouvernement amerlocain se refuse à rentrer dans de telles combines… Quel beau business ! Le patron de la boîte en question – cocorico, il est français ! – est interviewé et fait la promotion à l'antenne de son sympathique et méconnu commerce, pas intimidé pour deux sous par l'annonce de ce cuisant échec dans sa mission. Je me coucherai donc un peu plus cynique ce soir.

dimanche 10 août 2014

Palestine-Kerguelen

J'ai bien compris qu'il se passait – encore – un truc du côté de la Palestine. La fréquence des mails de propagande de mon prolixe ami Youssef s'est rapidement intensifiée, comme au plus fort de la crise Dieudonné cet hiver. Essentiellement des liens vers des vidéos. Que je ne regarde pas. Et puis il est passé aux SMS. Ça c'était inédit. Appel au boycott, citation d'Einstein, parallèle avec les bombardements de Franco me laissant dubitatif… là, je me suis dit que ça devait prendre de l'ampleur, que lémédias avaient dû trouver un petit nom à cette nouvelle crise, du genre "intifada épisode 12". Sans susciter pour autant chez moi l'envie d'approcher un kiosque, encore moins de croiser par malheur un poste de télévision à l'heure des infos.

Il faut dire que ça pourrait arriver facilement, voyez-vous. Je n'habite pas aux Kerguelen ou dans un bunker, mais dans une grande ville française, avec plusieurs déplacements hebdomadaires à Paris en TGV. Des kiosques, j'en croise au moins cinq à chaque trajet en train. Dont deux à 10 mètres l'un de l'autre dans ma gare de province. Pareil pour les postes de télévision à l'heure des infos. Surtout depuis qu'on a inventé les chaines de télévisions où c'est toujours l'heure des infos. Et que ces chaines sont retransmises dans le hall de tout siège social qui se respecte, dans la salle de petit déjeuner de tout hôtel qui se respecte, dans la salle de toute brasserie qui se respecte.

Bref, je vis au cœur de la société hyper-médiatisée... sans les médias ! Mon bunker virtuel, je l'ai bâti au fil des années, presque inconsciemment mais inexorablement. Sur une période de douze ou quinze ans, j'ai éteint les canaux un par un : la télé, la radio, la presse écrite – que j'utilisais finalement peu – et les deux petits derniers, les plus intrusifs, la presse gratuite et le web. Restent quelques poches de résistance éparses, quelques lucarnes récurrentes ou ponctuelles dans les murs du bunker qui sont autant d'opportunités de questionner l'existence de celui-ci. Et puis les mails de Youssef. Avec ses liens vers des vidéos que je ne regarde pas. Et maintenant ses SMS. Que je lis. Il est malin Youssef, il a tout compris au multicanal.

Ce conflit Israélo-Palestinien, c'est peut-être l'un des fondements de ma médiaphobie. Pas à cause d'un quelconque parti pris, que les rares voix qui parviennent au fond du bunker me semblent de plus en plus nombreuses à dénoncer. Mais pour la lassitude que le flux médiatique provoque. Je n'avais pas quinze ans lorsque j'ai compris que je passerai ma vie, aussi longue serait-elle, avec cette guerre. Et je me souviens l'avoir clairement formulé, m'en être indigné, plaint. Ma diatribe adolescente maladroite, dont l'auditoire devait au mieux être constitué de mes deux parents, s'en prenait probablement davantage aux belligérants qu'aux messagers.

Et alors quoi ? Arafat et Barak auraient dû faire "top-là" une bonne fois pour toute à Camp David, juste pour me faire plaisir à moi, petit blanc nanti qui ne veut pas se faire gâcher ses soirées par le décompte des atrocités de leurs troupes ? Tel n'est pas mon propos, en tous cas aujourd'hui. Ce flux quotidien d'actualités, avec toutes ses approximations, ses manques et ses travers, a contribué à ma compréhension de la marche du Monde. Je m'en suis nourri entre 10 et 20 ans. À présent que je me suis forgé une bonne idée de comment tout cela tourne, sur la base d'une mécanique humaine relativement immuable, puis que j'ai pris la dimension de la déformation que constitue le prisme médiatique entre 20 et 30 ans, je ne dis pas que lémédias sont tous mauvais, inutiles à toutes et à tous, ou que sais-je. Je dis simplement que moi, citoyen français actif, éduqué, père de famille dynamique et entreprenant, j'ai choisi de vivre sans eux.