Alors oui, bien sûr, il y a Arte. Nous avons regardé cette semaine en replay le documentaire sur la "girl culture" que l'on nous avait recommandé. Et avant lui, celui sur Goldman Sachs et puis aussi la série sur le pétrole. Et nous avons dû en rater beaucoup d'autres du même acabit. Devons-nous le regretter ? Dois-je sortir la tête du bunker une fois par semaine pour regarder ce que propose Arte 7+ ? Pourquoi pas ? D'ailleurs, ces documentaires constituent-ils un média en soit ? C'est un format magazine, qui ne donne pas dans "l'actualité". Et puis surtout, les sujets abordés sont précisément ceux que passe sous silence l'immense majorité des médias.
Alors oui, il y a Arte. Et le Monde Diplomatique. Vous avez déjà essayé de lire vraiment le Monde Diplomatique ? Moi ce que je préfère, c'est les images. Illustrer l'actualité par des tableaux contemporains, je trouve l'idée magnifique. Par contre, pour la lecture, la vache, il faut s'accrocher quand même. Je me souviens encore très bien de ma première tentative. Je devais avoir une vingtaine d'année et j'avais crânement amené lors d'un week-end en belle-famille un exemplaire de cet outil de lien présumé entre (ce qui peine à subsister de) la révolte des masses laborieuses et l'action feutrée des universitaires parisiens, où la bravoure se mesure au nombre de qualificatifs subversifs glissés dans une publication sérieuse au nez et à la barbe du comité de rédaction. Bref, de quoi conquérir la reconnaissance de cette famille sociale-démocrate (je ne disais pas encore "social-traitre" à l'époque) de classe moyenne, instruite et misant sur l'investissement dans l'immobilier locatif comme ascenseur social, tout en affirmant une forme de rébellion acceptable.
Cerise sur le gâteau : la feuille de chou promettait une interview exclusive du Zorro des temps modernes, menée par l'un de mes auteurs de romans policiers favoris, jouant au journaliste pour l'occasion. Et c'est là que le bât a commencé à blesser. Comment dire ? Je ne sais pas combien d'années d'études, de recherches universitaires et de lectures ils cumulent à eux deux, mais pour la vulgarisation, tu repasseras. J'avais dû mettre le premier échec sur le dos du grand cru servi par joli-papa à midi, retenté ma chance le soir (avant l'apéro!), et probablement même le lendemain matin à jeun, mais nib! je ne suis jamais parvenu à finir de lire, ni commencer de comprendre, ce brin de causette entre Manuel Vazquez Montalbán et le sous-Commandant Marcos. J'étais un peu jeunot, remarquez, il faudrait que je retente ma chance. Ce que je n'ai pas manqué de faire (très) sporadiquement avec d'autres exemplaires dans les années qui ont suivi, indépendamment de ma rupture avec l'héritière d'un patrimoine immobilier à la croissance plus soutenue que celle du nombres d'abonnés au monde diplo. Tentatives répétées qui m'ont permis d'affirmer ce goût pour le parti pris éditorial dans le choix des illustrations.
Alors oui, il y a Arte et "le diplo". Et d'autres médias valables bien sûr. "Tu ne lis même pas Courrier International ?" m'objecte-t-on régulièrement. Ben non. J'ai déjà feuilleté bien sûr, mais il y a un truc qui me chagrine : si l'on s'accorde à dire que les grands quotidiens français ne valent finalement pas tripette, pourquoi ceux des autres pays seraient-ils moins mauvais ? Que leurs journalistes racontent moins de conneries que les nôtres sur la situation locale, c'est effectivement plus-que-probable. Le point de vue de Sirius a ses limites. Que la sélection d'articles soient rigoureuse et la traduction qualitative, soit. Mais de là à porter au pinacle une sorte de "best of mondial" du journalisme mainstream, ça équivaut à se satisfaire du palmarès des Grammy Awards comme sélection musicale, non ?
Alors oui, il y a de bons médias. Il y a aussi de très bons metteurs en scène de théâtre. D'excellents chorégraphes, des plasticiens qui n'usurpent pas le crédit qu'on leur porte, et puis, et puis… Nombre de nos congénères se passent de théâtre, de ballet, d'art contemporain et tant d'autres choses qui nous ouvre les yeux et l'esprit sur la perception du monde, le rapport aux autres, notre place dans la société… En quoi une dose quotidienne d'actualités serait-elle plus utile, plus enrichissante, plus incontournable que le reste ? Comment et pourquoi notre société place-t-elle l'information aussi bas dans la pyramide de Maslow ?
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