vendredi 26 décembre 2014

Café-Mojito

Une photo de cadavre dans un tiroir en Une, un titre choc avec le mot "école" dedans et ma collègue qui manque de vomir le petit déjeuner qu'elle n'a pas encore commencé après avoir à peine entrouvert la page 2 du libé gracieusement offert par l'hôtel Mercure pour agrémenter le début de journée de sa clientèle. Bon appétit. Je n'en saurai pas plus, si ce n'est le mot "Pakistan", et peut-être bien "talibans" aussi, à moins que ce soit le fruit de mon imagination rompue aux gimmicks de la propagande occidentale. En effet, soucieuse de préserver mon humeur, qui risquerait d'être ternie par l'attaque matinale de mon bunker, ma collègue s'est immédiatement censurée : "Je ne préfère rien te dire", puis elle a refermé, replié et reposé le canard face contre table comme s'il brûlait. Tout au long du repas, elle jettera des œillades noires répétées dans sa direction, comme on tient un ennemi en respect du bout du canon de son arme. Ce qui ne l'empêchera pas de ramener l'otage dans sa chambre pour boire le calice jusqu'à la lie.

Ding dong ! La rédaction de cette chronique est interrompue par un message de mon cher beau-frère "On a bien fait de boire tous ces mojitos ! On en voit le résultat !" Est-ce parce que je suis précisément en train de conter comment ma collègue a héroïquement fait rempart de son corps pour protéger mon bunker anti-média que je vois dans ce SMS matinal un autre assaut, mal dissimulé derrière son camouflage de blague de pochtrons. Sans coup férir, je réponds du tac-au-tac "Ah bon ? Que se passe-t-il ? La menthe vient d'être classée plante protégée en voie d'extinction ? La source Perrier est tarie ? Havana Club annonce des bénéfices records ? La Corée du Nord a envahi Cuba ?" puis j'en profite pour glisser une page de pub en évoquant la rédaction de cette chronique, dont il n'a à ce jour pas connaissance.

En grand lecteur et médiavore qu'il est (imaginez un peu : il est même capable d'acheter "La République du Centre" lorsque nous sommes en week-end chez mes parents, c'est dire. Non, pas "Le Courrier du Loiret" non plus, faut pas déconner), il doit à présent être plongé dans la lecture des maigres archives du blog car il ne me réponds pas. Ou alors, il imagine, le dangereux inconscient, que je suis parti de mon propre chef à la recherche de l'actualité brûlante liée à une consommation présupposée non négligeable de cette potion magique qui allie la canne à sucre sous sa forme broyée ou sirupeuse d'une part et distillée d'autre part, le citron vert ou jaune selon les moyens du bord, la fameuse "hierba buena" et "l'eau qui pète, mais point trop pour pas l'neyé" comme le beauf' en question se l'est entendu dire dans des contrées françaises dont la ruralité n'a pas grand-chose à envier à la Sierra Maestra, dans lesquelles il s'employait à populariser ce doux breuvage plusieurs années avant que d'autres ne le fassent avec grand succès dans tous les bars branchés de Paris et d'ailleurs.

Non, je n'irai pas fouiner sur google actualités pour comprendre à quoi il faisait allusion, d'autant qu'il y a fort à parier, même si le lien peut paraitre ténu, qu'il ne s'agisse de la mort de Fidel. Pourtant, s'il y a bien une info que j'ai traquée ces dix dernières années, c'est justement… la rubrique nécrologique ! Eh oui, figurez-vous que le beauf' en question, encore lui, m'avait aimablement invité à participer au jeu (très bon enfant) consistant à parier sur les cinquante célébrités qui ne passeront pas l'année civile. Jeu repris et développé par mes soins avec passion auprès de mes propres amis pendant quelques années, me conduisant ainsi à utiliser les médias comme un étrange outil macabre. On peut se divertir de tout, "mais pas avec n'importe qui", mon cher Pierre. Même de la mort. Mais pas en Une de libé, surtout au petit déj'.

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