jeudi 26 mars 2015

Eclipse partielle de médias

J'ai fini par apprendre, quelques jours plus tôt, qu'il allait y avoir une éclipse solaire. J'aurais tant aimé ne pas l'apprendre. Me laisser surprendre par le phénomène, primitivement. Avec une pensée pour les Incas ridiculisés par Hergé dans le Temple du Soleil. Voir le ciel s'assombrir, lever les yeux, regarder le soleil et me dire "oh, chouette, une éclipse, quelle bonne surprise !" Je me serai cramé un peu les yeux au passage sans mes sacro-saintes lunettes de protection, ignare que j'aurais été. Je me souviens encore du battage médiatique la dernière fois. C'était une telle psychose ces lunettes que la populasse était persuadée que les rayons du soleil étaient plus dangereux pendant l'éclipse que le reste de l'année. La bonne blague.

Las. Non seulement j'ai fini par l'apprendre, mais en plus il y avait des nuages. Je ne me suis rendu compte de rien. Bref, j'ai raté une éclipse, comme tout le monde autour de moi, médias ou pas. Le week-end suivant, je n'ai pas raté le premier tour des élections. Par contre, j'ai échappé à toute la campagne (sauf sur mon marché), tous les sondages, tous les plateaux télés dimanche soir, presque tous les résultats. Ma femme m'en a égrené quelques-uns : le Var, Béziers, Gentilly, et chez nous. Il parait que c'est moins pire qu'ailleurs. J'étais partagé entre le plaisir d'apprendre que le bon "front" fait 4% de plus dans mon quartier que le mauvais, et le déplaisir provoqué par ce contact avec l'information. Le week-end prochain, je joins l'utile (s'abstenir au deuxième tour) à l'agréable (partir en week-end).

Quoi d'autre dans le bunker anti-média ces derniers temps. François Hollande ? RAS. Marine Le Pen ? Silence radio. Barack Obama ? No fucking idea. L'Iran, l'Irak, la Syrie, la Palestine… rassurez-moi : ils se tapent toujours autant sur la gueule, non ? Vous êtes au courant mais au fond de vous, vous vous en foutez pas mal, avouez. Et ben moi, je ne suis pas au courant. La preuve : la seule information internationale suffisamment puissamment relayée pour perturber le confinement de mon bunker concerne… la mort de deux pilotes d'hélicoptère argentins. Sans commentaire. Ah si : je vois régulièrement apparaître le mot "Daesh" dans des jeux de mots que j'imagine plus ou moins douteux. Aucune idée de ce qu'il recouvre. Une ville ? Un groupuscule d'agités ? Un nouvel état libre qui s'est affranchi du joug de Bangla ?...

Pour revenir à l'actualité politique française, qui représente un bon 80% de l'agitation médiatique nationale : vous savez que je n'ai pas entendu la moindre gesticulation de Sarkozy depuis une vague histoire de campagne électorale à l'UMP ?!? Je ne suis même pas sûr d'avoir appris qu'il l'avait remportée. Laissez-moi rêver… En revanche, son faux-jumeau est plus efficace à venir troubler la paix de mon bunker en ce moment. Ses ignobles réactions me sont parvenues, après l'assassinat de Remi Fraysse (ça commence à dater, je sais), après la bavure du commissariat de Joué-les-Tours,... Et puis j'ai vu aussi sa "sortie" à l'Assemblée Nationale contre le dernier modèle de la famille Le Pen. Même parmi ceux qui suivent l'actualité quotidiennement, on doit pouvoir trouver d'autres personnes qui estiment que c'est la première chose vaguement marquée à gauche pas trop marquée à droite qu'il fait de son mandat, non ?

Comment puis-je le savoir puisque je ne suis au courant de rien ? Eh eh… bonne question. J'ai notamment entendu parler d'une certaine "loi Macron", qui semble assez éloignée des fondements de l'internationale socialiste... Je projette d'ailleurs d'aller manifester contre cette loi le 9 avril. "Ah le gredin ! Il fait semblant d'être coupé du monde, mais en fait, il est déjà au courant d'une manif dont nous ne prendrons connaissance que le soir même, en découvrant le micro-trottoir du JT, avec les pauvres travailleurs-plus-pour-gagner-plus franciliens pris-en-otage-par-les-grévistes à la gare Saint Lazarre et des vieilles qui ont vu des casseurs en fin de cortège, et regardez-moi-tous-ces-autocollants-sur-un-bel-abribus-tout-neuf-de-Monsieur-Decaux, on peut même plus voir la marque du yaourt pour lequel cette jeune fille se met toute nue, si-c'est-pas-malheureux-ma-brave-dame."

Pis : "il va manifester alors qu'il ne connait rien à cette loi ; l'honteux dogmatique !" c'est vrai. Et vous, vous l'avez lue ? Ah non, mais vous savez ce que lémédia en pensent. Du bien sans doute. Pour ma part, savoir que la CGT n'en pense pas du bien me suffit. C'est orienté la CGT comme relai d'information ? Pas plus que vos télés et vos canards !

samedi 10 janvier 2015

Pris d'assaut

J'étais en voiture. Ce qui explique que j'ai lu le SMS suffisamment en diagonale pour ne pas comprendre son contenu du premier coup. À la relecture, j'ai compris que ça ne me concernait pas directement. Quelques heures plus tard, en digérant la lecture du deuxième SMS qui égrenait le nom des victimes, j'ai commencé à prendre conscience que ça nous concernait tous directement. Toutefois, la deuxième lecture du premier message avait suffit à me convaincre d'ouvrir exceptionnellement le judas à l'actualité qui frappait à la porte du bunker.

J'ai décalé le tuner de l'autoradio au hasard, et c'est France Bleu qui m'a retransmis, non sans quelque cafouillage à la clé, le premier discours du Président en direct. Peu après que le journaliste se soit replié sur ses mauvais réflexes ("alors, chère envoyée spéciale, qu'est-ce que les gens disent dans la rue autour de vous ?"), j'ai estimé que cette première audience avait suffisamment duré. Je suis donc retourné à la musique de Nova, où l'animateur de l'émission n'a pas manqué de glisser un commentaire de circonstance, dont la mesure et la justesse m'ont semblé contraster avec le verbiage journalistique duquel je m'éloignait justement.

Des audiences, il y allait nécessairement en avoir d'autres dans les heures et les jours à venir. Et je n'ai pas manqué de noter la capacité de chacune, avec son lot de précisions, à attiser vivement la flamme de mon indignation et de ma stupeur. Un ou deux flash infos sur le trajet retour, en soirée. Aucun ne communiquant la liste des noms des 8 victimes non dessinateurs, ce qui m'a choqué. Nul doute qu'elle fut publiée par ailleurs, mais je ne la connais toujours pas intégralement. Seule l'identité de l'économiste qui animait les matinées de ma jeunesse m'est parvenue depuis. Non pas que j'ai souhaité (ni pu) refermer la porte du bunker à double tour, mais elle ne reste qu'entrebaillée. Horreur : quelques messages provenant des forums de réactions honnis parviennent même à se frayer un chemin par l'interstice...

Et alors ? Suis-je suffisamment mediaphobe pour me réjouir, si ce n'est de la méthode, au moins du résultat ? Non, évidemment. Je reste "voltairien" avant tout (même s'il s'avère que la fameuse citation, promettant de se battre jusqu'à la mort pour la liberté d'expression de ses contradicteurs, ne soit pas de lui), et puis...
Et puis Charlie n'est pas parfait, mais c'est très très loin sur le spectre des médias qui m'ont donné la nausée par leur formatage, leur standardisation et leurs éléments de langage. C'est même tout le contraire en fait. Ce qui ne veut pas dire pour autant que je me serais réjoui d'une fusillade au Monde, chez Libé ou au Figaro !
Et puis Charlie, c'est l'un des très rares médias auxquels je me sois abonné. Le tout premier de ma vie d'adulte, même. Vers 17 ans, mais je me sentais déjà trop vieux pour le lire. Trop de caca-pipi à mon goût, j'ai passé mon chemin après moins d'un an. Ce n'était probablement pas la meilleure période non plus, l'ère Philippe Val. N'empêche que certaines couv' restent gravées dans ma mémoire.

C'est notamment le cas de celle de Mahomet qui se plaint d'être aimé par des cons. Bien meilleure que les caricatures scandinaves originales, à mon sens. C'est très rapidement à elle que j'ai pensée mercredi après-midi, en me disant "si la Presse avait des couilles, ce dessin serait à la Une de tous les journaux demain". Y'en a-t-il un seul qui l'a fait ? Pour ma part, je l'ai préférée au monochrome noir ou au "je suis Charlie" pour ma photo de profil du réseau-social-que-vous-savez. Une véritable catastrophe d'ailleurs ce niouzefide depuis 48h. Heureusement, je tiens bon ! Je n'ai pas lu ni entendu (et encore moins regardé ! Dieu et Allah puissent-ils unir leurs forces pour en préserver l'athée que je suis...) la moindre info concernant la chasse à l'homme du GIGN dans une imprimerie de Picardie, Seine-et-Marne ou où-sais-je. Alors, c'était bien cette année ? En direct, comme Khaled Kelkal ? Tiens, d'ailleurs : je ne connais même pas le nom des deux suspects abattus. Si, si, je vous assure. Mon bunker a de beaux restes.

vendredi 26 décembre 2014

Café-Mojito

Une photo de cadavre dans un tiroir en Une, un titre choc avec le mot "école" dedans et ma collègue qui manque de vomir le petit déjeuner qu'elle n'a pas encore commencé après avoir à peine entrouvert la page 2 du libé gracieusement offert par l'hôtel Mercure pour agrémenter le début de journée de sa clientèle. Bon appétit. Je n'en saurai pas plus, si ce n'est le mot "Pakistan", et peut-être bien "talibans" aussi, à moins que ce soit le fruit de mon imagination rompue aux gimmicks de la propagande occidentale. En effet, soucieuse de préserver mon humeur, qui risquerait d'être ternie par l'attaque matinale de mon bunker, ma collègue s'est immédiatement censurée : "Je ne préfère rien te dire", puis elle a refermé, replié et reposé le canard face contre table comme s'il brûlait. Tout au long du repas, elle jettera des œillades noires répétées dans sa direction, comme on tient un ennemi en respect du bout du canon de son arme. Ce qui ne l'empêchera pas de ramener l'otage dans sa chambre pour boire le calice jusqu'à la lie.

Ding dong ! La rédaction de cette chronique est interrompue par un message de mon cher beau-frère "On a bien fait de boire tous ces mojitos ! On en voit le résultat !" Est-ce parce que je suis précisément en train de conter comment ma collègue a héroïquement fait rempart de son corps pour protéger mon bunker anti-média que je vois dans ce SMS matinal un autre assaut, mal dissimulé derrière son camouflage de blague de pochtrons. Sans coup férir, je réponds du tac-au-tac "Ah bon ? Que se passe-t-il ? La menthe vient d'être classée plante protégée en voie d'extinction ? La source Perrier est tarie ? Havana Club annonce des bénéfices records ? La Corée du Nord a envahi Cuba ?" puis j'en profite pour glisser une page de pub en évoquant la rédaction de cette chronique, dont il n'a à ce jour pas connaissance.

En grand lecteur et médiavore qu'il est (imaginez un peu : il est même capable d'acheter "La République du Centre" lorsque nous sommes en week-end chez mes parents, c'est dire. Non, pas "Le Courrier du Loiret" non plus, faut pas déconner), il doit à présent être plongé dans la lecture des maigres archives du blog car il ne me réponds pas. Ou alors, il imagine, le dangereux inconscient, que je suis parti de mon propre chef à la recherche de l'actualité brûlante liée à une consommation présupposée non négligeable de cette potion magique qui allie la canne à sucre sous sa forme broyée ou sirupeuse d'une part et distillée d'autre part, le citron vert ou jaune selon les moyens du bord, la fameuse "hierba buena" et "l'eau qui pète, mais point trop pour pas l'neyé" comme le beauf' en question se l'est entendu dire dans des contrées françaises dont la ruralité n'a pas grand-chose à envier à la Sierra Maestra, dans lesquelles il s'employait à populariser ce doux breuvage plusieurs années avant que d'autres ne le fassent avec grand succès dans tous les bars branchés de Paris et d'ailleurs.

Non, je n'irai pas fouiner sur google actualités pour comprendre à quoi il faisait allusion, d'autant qu'il y a fort à parier, même si le lien peut paraitre ténu, qu'il ne s'agisse de la mort de Fidel. Pourtant, s'il y a bien une info que j'ai traquée ces dix dernières années, c'est justement… la rubrique nécrologique ! Eh oui, figurez-vous que le beauf' en question, encore lui, m'avait aimablement invité à participer au jeu (très bon enfant) consistant à parier sur les cinquante célébrités qui ne passeront pas l'année civile. Jeu repris et développé par mes soins avec passion auprès de mes propres amis pendant quelques années, me conduisant ainsi à utiliser les médias comme un étrange outil macabre. On peut se divertir de tout, "mais pas avec n'importe qui", mon cher Pierre. Même de la mort. Mais pas en Une de libé, surtout au petit déj'.

mercredi 19 novembre 2014

Du stripteaseur nain au scandale d'état

Au secours ! La presse en ligne revient… Promis, j'avais arrêté. Complètement. Et même passé une honorable période de sevrage. Que s'est-il passé ? Tentons de remonter le fil. Aux origines… il y a probablement eu Yahoo! News, et sa fameuse rubrique "insolite". J'ai même deux copains qui sont encore accros, plus de dix ans après la fin des études ! Et comme ils n'ont pas passé le cap des réseaux sociaux non plus, c'est par mail qu'ils nous transmettent leur trouvailles. Oh, ça va : on plafonne à 2 ou 3 par an. La dernière, c'était la jeune mariée espagnole enceinte du strip-teaseur nain. Vous y avez eu droit aussi ? Eh oui, c'est comme ça. C'est comme le scootergate, il y a des news auxquelles on ne peut pas échapper…

Donc au commencement était Yahoo! News, supplanté (comme son moteur de recherche) par Google Actualités, meilleur compagnon des étudiants et salariés désœuvrés de tous poils, qui ont toujours un onglet ouvert, et le pouce et l'annulaire arc-boutés sur les touches alt et tab pour dissimuler le péché dès qu'une ombre se manifeste dans leur dos (ah bon, vous n'utilisez pas l'annulaire, vous ?) Ensuite, au-delà de la déception des versions web de la presse traditionnelle, perdus dans leurs grandes interrogations sur le partage du contenu et le modèle économique à adopter, nous avons vu émerger des pure players avec des contenus dignes d'intérêts.

Evidemment, ce n'est pas le même débit que les agrégateurs façon Google et Yahoo! mais une fois qu'on a trouvé une source à son goût, on peut la boire jusqu'à l'origine des temps. C'est notamment ce que j'ai fait avec backchich. L'ancienne version, bien sûr, époque Nicolas Beau. Ah lala, même deux ans plus tard, qu'est-ce que je me suis poilé devant les premières vidéos de l'ancienne barbouze du RPR flinguant "le Kaïser Sarkoko" et "Tristounet 1er " comme à la foire. Las, backchich est mort. Je n'ai pas raté la mode rue89 non plus. Mais le rachat par le nouvel obs m'a stoppé net. J'y allais presque tous les jours et je ne pense pas y être retourné lire un seul article depuis. Pourtant probablement que la ligne éditoriale est restée plus ou moins la même… question de principe, rien que de voir le logo dans la manchette, je risquais de développer un urticaire. Traumatisé, je vous disais.

La presse en ligne, c'est fourbe, ça colle aux doigts comme le sparadrap du capitaine Haddock dans le sceptre d'Ottokar. Même lorsqu'on a réussi à rompre avec l'onglet Google Actualités ouvert toute la journée au-cas-où-il-se-passe-un-truc-dont-on-pourrait-parler-à-la-pause-café, les liens reviennent partout à longueur de journée : revue de presse, boite mail, réseaux sociaux… et à la fin de l'article, deux pièges atroces attendent le lecteur : des liens vers d'autres articles, sournoisement calculés par de vicieux algorithmes ayant étudié les tréfonds de l'intimité de vos cookies pour suggérer LE titre racoleur sur lequel vous ne pourrez résister à cliquer, tout en ayant un peu honte de le faire, mais pas trop, et surtout, l'horreur absolue offerte par le fameux "internet-deux-point-zéro", dont la lecture est capable de rendre misanthrope n'importe quel sage bouddhiste : le forum des réaction(naire)s.

Bon, dis comme ça, ça ne donne pas vraiment envie de replonger. Comment diable le bout de sparadrap a-t-il pu passer la porte de mon bunker anti-médias après en avoir été si courageusement chassé ? Voilà, j'avoue, c'est très simple. Après dix ans d'une héroïque résistance contre vents et marées, j'ai, je sais Monsieur le Juge, je n'aurais pas dû, voilà, eh ben, j'ai… créé un compte Facebook. "Pour raisons professionnelles" m'empressé-je immédiatement de préciser. Il ne porte pas mon nom mais celui de ma marque, je n'y poste pas de photos de mes gosses mais celles de mes créations, etc. C'est dans l'espoir de faire vivre ma famille avec un gagne-pain moins crasse que celui qui m'est promis dans les couloirs de cette grande entreprise que j'arpente depuis de trop longues années, voyez-vous. Une noble intention, quoi. Ce n'est pas du tout pour envoyer des like et des poke à longueur de journée sur des blagues de potache, ouhlala, non, Dieu me tripote… N'empêche ! J'ai des vrais amis qui sont devenus des amis Facebook. Il y en a même qui ont de l'humour voire de l'esprit. Et qui l'expriment sur Facebook. Ce qui m'attire irrépressiblement vers la lecture de ce "fil d'actualités" qui ne porte que trop bien son nom tant il regorge d'articles de presse, de surcroît recommandés par des amis, les vrais et les faux. Bon, dans 95% des cas je me contente de la lecture du titre, mais c'est déjà trop à mon goût. Et puis parfois, je craque : je suis le lien et lis l'article. Hier soir, c'était Mediapart qui s'offusquait que l'AFP, et dans son sillage tous les autres médias, refusent de relayer leur information concernant la publication du rapport d'expertise graphologique commandité par la justice attestant l'authenticité du document qui prouve que Kadhafi a bien financé la campagne présidentielle de Sarkozy à hauteur de 50 millions. Bigre ! Me voici détenteur d'une information de la plus haute importance ignorée du grand public. Je vous l'avais bien dit : la presse en ligne, c'est dangereux.

mercredi 15 octobre 2014

Marcos et Maslow

Alors oui, bien sûr, il y a Arte. Nous avons regardé cette semaine en replay le documentaire sur la "girl culture" que l'on nous avait recommandé. Et avant lui, celui sur Goldman Sachs et puis aussi la série sur le pétrole. Et nous avons dû en rater beaucoup d'autres du même acabit. Devons-nous le regretter ? Dois-je sortir la tête du bunker une fois par semaine pour regarder ce que propose Arte 7+ ? Pourquoi pas ? D'ailleurs, ces documentaires constituent-ils un média en soit ? C'est un format magazine, qui ne donne pas dans "l'actualité". Et puis surtout, les sujets abordés sont précisément ceux que passe sous silence l'immense majorité des médias.

Alors oui, il y a Arte. Et le Monde Diplomatique. Vous avez déjà essayé de lire vraiment le Monde Diplomatique ? Moi ce que je préfère, c'est les images. Illustrer l'actualité par des tableaux contemporains, je trouve l'idée magnifique. Par contre, pour la lecture, la vache, il faut s'accrocher quand même. Je me souviens encore très bien de ma première tentative. Je devais avoir une vingtaine d'année et j'avais crânement amené lors d'un week-end en belle-famille un exemplaire de cet outil de lien présumé entre (ce qui peine à subsister de) la révolte des masses laborieuses et l'action feutrée des universitaires parisiens, où la bravoure se mesure au nombre de qualificatifs subversifs glissés dans une publication sérieuse au nez et à la barbe du comité de rédaction. Bref, de quoi conquérir la reconnaissance de cette famille sociale-démocrate (je ne disais pas encore "social-traitre" à l'époque) de classe moyenne, instruite et misant sur l'investissement dans l'immobilier locatif comme ascenseur social, tout en affirmant une forme de rébellion acceptable.

Cerise sur le gâteau : la feuille de chou promettait une interview exclusive du Zorro des temps modernes, menée par l'un de mes auteurs de romans policiers favoris, jouant au journaliste pour l'occasion. Et c'est là que le bât a commencé à blesser. Comment dire ? Je ne sais pas combien d'années d'études, de recherches universitaires et de lectures ils cumulent à eux deux, mais pour la vulgarisation, tu repasseras. J'avais dû mettre le premier échec sur le dos du grand cru servi par joli-papa à midi, retenté ma chance le soir (avant l'apéro!), et probablement même le lendemain matin à jeun, mais nib! je ne suis jamais parvenu à finir de lire, ni commencer de comprendre, ce brin de causette entre Manuel Vazquez Montalbán et le sous-Commandant Marcos. J'étais un peu jeunot, remarquez, il faudrait que je retente ma chance. Ce que je n'ai pas manqué de faire (très) sporadiquement avec d'autres exemplaires dans les années qui ont suivi, indépendamment de ma rupture avec l'héritière d'un patrimoine immobilier à la croissance plus soutenue que celle du nombres d'abonnés au monde diplo. Tentatives répétées qui m'ont permis d'affirmer ce goût pour le parti pris éditorial dans le choix des illustrations.

Alors oui, il y a Arte et "le diplo". Et d'autres médias valables bien sûr. "Tu ne lis même pas Courrier International ?" m'objecte-t-on régulièrement. Ben non. J'ai déjà feuilleté bien sûr, mais il y a un truc qui me chagrine : si l'on s'accorde à dire que les grands quotidiens français ne valent finalement pas tripette, pourquoi ceux des autres pays seraient-ils moins mauvais ? Que leurs journalistes racontent moins de conneries que les nôtres sur la situation locale, c'est effectivement plus-que-probable. Le point de vue de Sirius a ses limites. Que la sélection d'articles soient rigoureuse et la traduction qualitative, soit. Mais de là à porter au pinacle une sorte de "best of mondial" du journalisme mainstream, ça équivaut à se satisfaire du palmarès des Grammy Awards comme sélection musicale, non ?

Alors oui, il y a de bons médias. Il y a aussi de très bons metteurs en scène de théâtre. D'excellents chorégraphes, des plasticiens qui n'usurpent pas le crédit qu'on leur porte, et puis, et puis… Nombre de nos congénères se passent de théâtre, de ballet, d'art contemporain et tant d'autres choses qui nous ouvre les yeux et l'esprit sur la perception du monde, le rapport aux autres, notre place dans la société… En quoi une dose quotidienne d'actualités serait-elle plus utile, plus enrichissante, plus incontournable que le reste ? Comment et pourquoi notre société place-t-elle l'information aussi bas dans la pyramide de Maslow ?

dimanche 5 octobre 2014

Vive Sport-Auto !

La nouvelle de la semaine contre laquelle mon bunker anti-médias s'est révélé totalement impuissant est le retour de Sarkozy en politique. Evidemment ? Je ne sais pas si cela est si évident. Il y a très certainement des choses bien plus intéressantes dans l'actualité, donc tues ou à peine évoquées par lémédias… "Le bon côté des choses, c'est que même le nouvel obs a sorti un bon numéro du coup
- euh, pardon Christelle ? le nouvel observateur ?! on parle bien du torchon de Daniel et Joffrin saturé de pubs pour les marques de luxe qui parvient miraculeusement à faire croire à mon père que le gouvernement PS est encore de gauche ?
- oui, je suis d'accord, c'est de la merde le nouvel obs. Mais là, je te promets : ils ont fait un numéro excellent !
- ah."

Depuis cette discussion, vous vous doutez bien que je me suis bien gardé d'aller juger sur pièce. Comme vous l'avez compris, le nouvel obs, ça touche à la famille. La blessure est donc profonde. Encore plus que celle de France Inter probablement. J'ai donc laissé le nouvel obs à sa place : aux toilettes, sur les étagères chez mes parents, au fond de la cuvette en ce qui me concerne. J'ai toujours vu le nouvel obs sur les étagères des toilettes de mes parents, aussi loin qu'il m'en souvienne. Peut-être même qu'au début il n'y avait pas de page de pub de luxe et que le gouvernement PS était encore de gauche, c'est dire si ça fait longtemps qu'ils sont abonnés. Je n'avais pas l'âge de lire le nouvel obs à l'époque. Je me souviens surtout de la super collec' de "sport auto" de mon père avec des photos de voitures de sport (et du catalogue des 3 suisses de ma mère avec des photos de lingerie, évidemment).

Et puis j'ai grandi. J'ai délaissé les Lamborghini (mon père aussi, d'ailleurs, il n'y a plus de sport-auto dans les toilettes depuis un moment ; je trouvais ça bien au début car passé 20 ou 25 ans j'ai fini par trouver ça beauf' ces bagnoles qui tournent en rond pour cramer du pétrole, mais finalement, je me demande si cette ruine écologique n'est pas préférable à l'entreprise de ruine idéologique de la gauche de Daniel et ses acolytes) et les soutien-gorge à balconnet aussi (on pouvait voir les tétons en vrai sur ce modèle, non ? je parie que ce n'est plus le cas aujourd'hui… Il y avait aussi les vibros dont la photo montrait qu'ils servaient à se masser le visage. Rah la bonne blague !) et j'ai attaqué la lecture du nouvel obs. J'en ai lu des tonnes. Des "téléphone rouge" que je trouvais audacieux (je n'avais pas encore découvert le "canard enchaîné"), des baromètres "en hausse"/"en baisse" avec des hommes du PS dans la première rubrique et des hommes du RPR dans la deuxième, et parfois même peut-être des femmes dans l'une ou l'autre, les petites annonces "méli-mélo" de gens s'auto-qualifiant de "couple BCBG" à la recherche du grand frisson avec une jeune femme de la moitié de leur âge, les annonces immobilières de grands bourgeois… et puis la rubrique "notre époque" qui n'a pas grand-chose à envier aux reportages du point ou de l'express, voire de détective parfois. Je ne crois pas me tromper en disant que c'est par là que le doute a commencé à s'immiscer relativement précocement. Par ce sentiment malsain mêlant voyeurisme et incrédulité, amenant peu à peu la question "à quoi ça me sert de lire ça?", puis ensuite l'autre grande question "à quoi ça leur sert de l'écrire?"…

Heureusement, il y avait les "lundis de Delfeil de Ton" et puis les chroniques de François Reynaert. Là, on se fendait franchement la poire. On a pu m'entendre glousser par la porte des toilettes quand je lisais Reynaert, je pense. Les "nanars" de François Forestier dans téléobs valaient le détour aussi. J'ai fini par délaisser tout le reste. La même histoire que France Inter avec Porte, Guillon, Morel et Aram en fait. Et puis au bout d'un moment, la pellicule de chocolat noir fin à l'extérieur ne fait plus oublier l'infâme mélasse volontairement trop sucrée à l'intérieur, destinée à vous transformer en mouton légumineux de cette société ultralibérale et bouffie dans laquelle le nouvel obs joue son rôle de miroir aux alouettes donnant l'illusion d'une alternance entre deux bords qui n'en forment plus qu'un. Alors j'ai arrêté de sucer la croute avant de recracher, j'ai tout balancé, à commencer par l'emballage putassier plein de couleurs du marronnier de la saison : prix de l'immobilier, franc-maçonnerie, les bons hôpitaux, les meilleurs écoles ou lycées, etcetera, dans un infini ballet de feuilles mortes qui dure depuis dix ans ou plus.

lundi 29 septembre 2014

PQR vs. Gratuit

"Tramway : la fréquentation des stations dévoilée".
Il y a donc quelqu'un à la rédaction de notre avatar local de ce qu'on appelle la pé-cu-hère dans le jargon (pour Presse Quotidienne Régionale, pour les non-initiés), qui a imaginé qu'en placardant ce titre sur des affiches à l'extérieur des troquets de notre chère préfecture, les ventes de son torchon allait augmenter ? Pas besoin d'être médiaphobique pour tourner les talons et s'enfuir, il suffit d'un brin de déduction. Si c'est ÇA le titre vendeur aujourd'hui… c'est donc que le reste est ENCORE moins intéressant ?! Fichtre, ça laisse songeur.

En même temps, c'est ingrat la pécuhère. Ben oui, il ne se passe pas souvent des trucs intéressant dans une préfecture. Sans compter qu'il y a rarement de canard concurrent, donc personne sur qui copier. Pire : pas d'AFP, ou si peu... Il faut aller sur le terrain, traquer l'info, écumer les fossés à la recherche des chiens écrasés, longer les couloirs des maisons de retraite à l'affût d'une célébration de centenaire, courir les salles des fêtes pour glaner le nom de la gagnante du filet garni ou se faire préciser le poids exact de boudin ingurgité par le médaillé du concours... Ce doit être épuisant. Et si c'était eux les héros de l'info, en fait ?

Sans eux, que deviendrait les discussions dans les salons de coiffure, dans la salle commune de la maison de retraite, à l'entracte des parties de loto des salles des fêtes…? Je ne daigne personnellement acheter la pécuhère que lorsqu'elle annonce la naissance de mes enfants, et je la lis encore moins souvent. C'est absolument indigeste, mais c'est peut-être finalement la presse la moins inutile, la moins efficace pour laver les cerveaux, la seule à tenter de créer du lien social là où tant d'autres attisent les haines.

Toute tentative de production journaleuse locale est-elle pour autant vaine ? Eh non, je dois ici faire un aveu. Il est un canard local, de surcroît gratuit, pis : distribué devant la gare par quelqu'un affublé d'une casquette de couleur vive, que je confesse lire relativement souvent. Une brèche dans mon bunker. C'est écrit en bon français, l'angle de traitement de l'information est souvent malin, y'a de bonnes blagues de potache glissées ici et là... je lis ! Je lis, que dis-je, je feuillette, ce qui est déjà énorme, et je saute volontiers la double page national/international, pour ne pas risquer de rattraper mon précieux retard accumulé sur les headlines, pour me garder de combler ma douce ignorance de l'actualité.