mercredi 15 octobre 2014

Marcos et Maslow

Alors oui, bien sûr, il y a Arte. Nous avons regardé cette semaine en replay le documentaire sur la "girl culture" que l'on nous avait recommandé. Et avant lui, celui sur Goldman Sachs et puis aussi la série sur le pétrole. Et nous avons dû en rater beaucoup d'autres du même acabit. Devons-nous le regretter ? Dois-je sortir la tête du bunker une fois par semaine pour regarder ce que propose Arte 7+ ? Pourquoi pas ? D'ailleurs, ces documentaires constituent-ils un média en soit ? C'est un format magazine, qui ne donne pas dans "l'actualité". Et puis surtout, les sujets abordés sont précisément ceux que passe sous silence l'immense majorité des médias.

Alors oui, il y a Arte. Et le Monde Diplomatique. Vous avez déjà essayé de lire vraiment le Monde Diplomatique ? Moi ce que je préfère, c'est les images. Illustrer l'actualité par des tableaux contemporains, je trouve l'idée magnifique. Par contre, pour la lecture, la vache, il faut s'accrocher quand même. Je me souviens encore très bien de ma première tentative. Je devais avoir une vingtaine d'année et j'avais crânement amené lors d'un week-end en belle-famille un exemplaire de cet outil de lien présumé entre (ce qui peine à subsister de) la révolte des masses laborieuses et l'action feutrée des universitaires parisiens, où la bravoure se mesure au nombre de qualificatifs subversifs glissés dans une publication sérieuse au nez et à la barbe du comité de rédaction. Bref, de quoi conquérir la reconnaissance de cette famille sociale-démocrate (je ne disais pas encore "social-traitre" à l'époque) de classe moyenne, instruite et misant sur l'investissement dans l'immobilier locatif comme ascenseur social, tout en affirmant une forme de rébellion acceptable.

Cerise sur le gâteau : la feuille de chou promettait une interview exclusive du Zorro des temps modernes, menée par l'un de mes auteurs de romans policiers favoris, jouant au journaliste pour l'occasion. Et c'est là que le bât a commencé à blesser. Comment dire ? Je ne sais pas combien d'années d'études, de recherches universitaires et de lectures ils cumulent à eux deux, mais pour la vulgarisation, tu repasseras. J'avais dû mettre le premier échec sur le dos du grand cru servi par joli-papa à midi, retenté ma chance le soir (avant l'apéro!), et probablement même le lendemain matin à jeun, mais nib! je ne suis jamais parvenu à finir de lire, ni commencer de comprendre, ce brin de causette entre Manuel Vazquez Montalbán et le sous-Commandant Marcos. J'étais un peu jeunot, remarquez, il faudrait que je retente ma chance. Ce que je n'ai pas manqué de faire (très) sporadiquement avec d'autres exemplaires dans les années qui ont suivi, indépendamment de ma rupture avec l'héritière d'un patrimoine immobilier à la croissance plus soutenue que celle du nombres d'abonnés au monde diplo. Tentatives répétées qui m'ont permis d'affirmer ce goût pour le parti pris éditorial dans le choix des illustrations.

Alors oui, il y a Arte et "le diplo". Et d'autres médias valables bien sûr. "Tu ne lis même pas Courrier International ?" m'objecte-t-on régulièrement. Ben non. J'ai déjà feuilleté bien sûr, mais il y a un truc qui me chagrine : si l'on s'accorde à dire que les grands quotidiens français ne valent finalement pas tripette, pourquoi ceux des autres pays seraient-ils moins mauvais ? Que leurs journalistes racontent moins de conneries que les nôtres sur la situation locale, c'est effectivement plus-que-probable. Le point de vue de Sirius a ses limites. Que la sélection d'articles soient rigoureuse et la traduction qualitative, soit. Mais de là à porter au pinacle une sorte de "best of mondial" du journalisme mainstream, ça équivaut à se satisfaire du palmarès des Grammy Awards comme sélection musicale, non ?

Alors oui, il y a de bons médias. Il y a aussi de très bons metteurs en scène de théâtre. D'excellents chorégraphes, des plasticiens qui n'usurpent pas le crédit qu'on leur porte, et puis, et puis… Nombre de nos congénères se passent de théâtre, de ballet, d'art contemporain et tant d'autres choses qui nous ouvre les yeux et l'esprit sur la perception du monde, le rapport aux autres, notre place dans la société… En quoi une dose quotidienne d'actualités serait-elle plus utile, plus enrichissante, plus incontournable que le reste ? Comment et pourquoi notre société place-t-elle l'information aussi bas dans la pyramide de Maslow ?

dimanche 5 octobre 2014

Vive Sport-Auto !

La nouvelle de la semaine contre laquelle mon bunker anti-médias s'est révélé totalement impuissant est le retour de Sarkozy en politique. Evidemment ? Je ne sais pas si cela est si évident. Il y a très certainement des choses bien plus intéressantes dans l'actualité, donc tues ou à peine évoquées par lémédias… "Le bon côté des choses, c'est que même le nouvel obs a sorti un bon numéro du coup
- euh, pardon Christelle ? le nouvel observateur ?! on parle bien du torchon de Daniel et Joffrin saturé de pubs pour les marques de luxe qui parvient miraculeusement à faire croire à mon père que le gouvernement PS est encore de gauche ?
- oui, je suis d'accord, c'est de la merde le nouvel obs. Mais là, je te promets : ils ont fait un numéro excellent !
- ah."

Depuis cette discussion, vous vous doutez bien que je me suis bien gardé d'aller juger sur pièce. Comme vous l'avez compris, le nouvel obs, ça touche à la famille. La blessure est donc profonde. Encore plus que celle de France Inter probablement. J'ai donc laissé le nouvel obs à sa place : aux toilettes, sur les étagères chez mes parents, au fond de la cuvette en ce qui me concerne. J'ai toujours vu le nouvel obs sur les étagères des toilettes de mes parents, aussi loin qu'il m'en souvienne. Peut-être même qu'au début il n'y avait pas de page de pub de luxe et que le gouvernement PS était encore de gauche, c'est dire si ça fait longtemps qu'ils sont abonnés. Je n'avais pas l'âge de lire le nouvel obs à l'époque. Je me souviens surtout de la super collec' de "sport auto" de mon père avec des photos de voitures de sport (et du catalogue des 3 suisses de ma mère avec des photos de lingerie, évidemment).

Et puis j'ai grandi. J'ai délaissé les Lamborghini (mon père aussi, d'ailleurs, il n'y a plus de sport-auto dans les toilettes depuis un moment ; je trouvais ça bien au début car passé 20 ou 25 ans j'ai fini par trouver ça beauf' ces bagnoles qui tournent en rond pour cramer du pétrole, mais finalement, je me demande si cette ruine écologique n'est pas préférable à l'entreprise de ruine idéologique de la gauche de Daniel et ses acolytes) et les soutien-gorge à balconnet aussi (on pouvait voir les tétons en vrai sur ce modèle, non ? je parie que ce n'est plus le cas aujourd'hui… Il y avait aussi les vibros dont la photo montrait qu'ils servaient à se masser le visage. Rah la bonne blague !) et j'ai attaqué la lecture du nouvel obs. J'en ai lu des tonnes. Des "téléphone rouge" que je trouvais audacieux (je n'avais pas encore découvert le "canard enchaîné"), des baromètres "en hausse"/"en baisse" avec des hommes du PS dans la première rubrique et des hommes du RPR dans la deuxième, et parfois même peut-être des femmes dans l'une ou l'autre, les petites annonces "méli-mélo" de gens s'auto-qualifiant de "couple BCBG" à la recherche du grand frisson avec une jeune femme de la moitié de leur âge, les annonces immobilières de grands bourgeois… et puis la rubrique "notre époque" qui n'a pas grand-chose à envier aux reportages du point ou de l'express, voire de détective parfois. Je ne crois pas me tromper en disant que c'est par là que le doute a commencé à s'immiscer relativement précocement. Par ce sentiment malsain mêlant voyeurisme et incrédulité, amenant peu à peu la question "à quoi ça me sert de lire ça?", puis ensuite l'autre grande question "à quoi ça leur sert de l'écrire?"…

Heureusement, il y avait les "lundis de Delfeil de Ton" et puis les chroniques de François Reynaert. Là, on se fendait franchement la poire. On a pu m'entendre glousser par la porte des toilettes quand je lisais Reynaert, je pense. Les "nanars" de François Forestier dans téléobs valaient le détour aussi. J'ai fini par délaisser tout le reste. La même histoire que France Inter avec Porte, Guillon, Morel et Aram en fait. Et puis au bout d'un moment, la pellicule de chocolat noir fin à l'extérieur ne fait plus oublier l'infâme mélasse volontairement trop sucrée à l'intérieur, destinée à vous transformer en mouton légumineux de cette société ultralibérale et bouffie dans laquelle le nouvel obs joue son rôle de miroir aux alouettes donnant l'illusion d'une alternance entre deux bords qui n'en forment plus qu'un. Alors j'ai arrêté de sucer la croute avant de recracher, j'ai tout balancé, à commencer par l'emballage putassier plein de couleurs du marronnier de la saison : prix de l'immobilier, franc-maçonnerie, les bons hôpitaux, les meilleurs écoles ou lycées, etcetera, dans un infini ballet de feuilles mortes qui dure depuis dix ans ou plus.