jeudi 26 mars 2015

Eclipse partielle de médias

J'ai fini par apprendre, quelques jours plus tôt, qu'il allait y avoir une éclipse solaire. J'aurais tant aimé ne pas l'apprendre. Me laisser surprendre par le phénomène, primitivement. Avec une pensée pour les Incas ridiculisés par Hergé dans le Temple du Soleil. Voir le ciel s'assombrir, lever les yeux, regarder le soleil et me dire "oh, chouette, une éclipse, quelle bonne surprise !" Je me serai cramé un peu les yeux au passage sans mes sacro-saintes lunettes de protection, ignare que j'aurais été. Je me souviens encore du battage médiatique la dernière fois. C'était une telle psychose ces lunettes que la populasse était persuadée que les rayons du soleil étaient plus dangereux pendant l'éclipse que le reste de l'année. La bonne blague.

Las. Non seulement j'ai fini par l'apprendre, mais en plus il y avait des nuages. Je ne me suis rendu compte de rien. Bref, j'ai raté une éclipse, comme tout le monde autour de moi, médias ou pas. Le week-end suivant, je n'ai pas raté le premier tour des élections. Par contre, j'ai échappé à toute la campagne (sauf sur mon marché), tous les sondages, tous les plateaux télés dimanche soir, presque tous les résultats. Ma femme m'en a égrené quelques-uns : le Var, Béziers, Gentilly, et chez nous. Il parait que c'est moins pire qu'ailleurs. J'étais partagé entre le plaisir d'apprendre que le bon "front" fait 4% de plus dans mon quartier que le mauvais, et le déplaisir provoqué par ce contact avec l'information. Le week-end prochain, je joins l'utile (s'abstenir au deuxième tour) à l'agréable (partir en week-end).

Quoi d'autre dans le bunker anti-média ces derniers temps. François Hollande ? RAS. Marine Le Pen ? Silence radio. Barack Obama ? No fucking idea. L'Iran, l'Irak, la Syrie, la Palestine… rassurez-moi : ils se tapent toujours autant sur la gueule, non ? Vous êtes au courant mais au fond de vous, vous vous en foutez pas mal, avouez. Et ben moi, je ne suis pas au courant. La preuve : la seule information internationale suffisamment puissamment relayée pour perturber le confinement de mon bunker concerne… la mort de deux pilotes d'hélicoptère argentins. Sans commentaire. Ah si : je vois régulièrement apparaître le mot "Daesh" dans des jeux de mots que j'imagine plus ou moins douteux. Aucune idée de ce qu'il recouvre. Une ville ? Un groupuscule d'agités ? Un nouvel état libre qui s'est affranchi du joug de Bangla ?...

Pour revenir à l'actualité politique française, qui représente un bon 80% de l'agitation médiatique nationale : vous savez que je n'ai pas entendu la moindre gesticulation de Sarkozy depuis une vague histoire de campagne électorale à l'UMP ?!? Je ne suis même pas sûr d'avoir appris qu'il l'avait remportée. Laissez-moi rêver… En revanche, son faux-jumeau est plus efficace à venir troubler la paix de mon bunker en ce moment. Ses ignobles réactions me sont parvenues, après l'assassinat de Remi Fraysse (ça commence à dater, je sais), après la bavure du commissariat de Joué-les-Tours,... Et puis j'ai vu aussi sa "sortie" à l'Assemblée Nationale contre le dernier modèle de la famille Le Pen. Même parmi ceux qui suivent l'actualité quotidiennement, on doit pouvoir trouver d'autres personnes qui estiment que c'est la première chose vaguement marquée à gauche pas trop marquée à droite qu'il fait de son mandat, non ?

Comment puis-je le savoir puisque je ne suis au courant de rien ? Eh eh… bonne question. J'ai notamment entendu parler d'une certaine "loi Macron", qui semble assez éloignée des fondements de l'internationale socialiste... Je projette d'ailleurs d'aller manifester contre cette loi le 9 avril. "Ah le gredin ! Il fait semblant d'être coupé du monde, mais en fait, il est déjà au courant d'une manif dont nous ne prendrons connaissance que le soir même, en découvrant le micro-trottoir du JT, avec les pauvres travailleurs-plus-pour-gagner-plus franciliens pris-en-otage-par-les-grévistes à la gare Saint Lazarre et des vieilles qui ont vu des casseurs en fin de cortège, et regardez-moi-tous-ces-autocollants-sur-un-bel-abribus-tout-neuf-de-Monsieur-Decaux, on peut même plus voir la marque du yaourt pour lequel cette jeune fille se met toute nue, si-c'est-pas-malheureux-ma-brave-dame."

Pis : "il va manifester alors qu'il ne connait rien à cette loi ; l'honteux dogmatique !" c'est vrai. Et vous, vous l'avez lue ? Ah non, mais vous savez ce que lémédia en pensent. Du bien sans doute. Pour ma part, savoir que la CGT n'en pense pas du bien me suffit. C'est orienté la CGT comme relai d'information ? Pas plus que vos télés et vos canards !

samedi 10 janvier 2015

Pris d'assaut

J'étais en voiture. Ce qui explique que j'ai lu le SMS suffisamment en diagonale pour ne pas comprendre son contenu du premier coup. À la relecture, j'ai compris que ça ne me concernait pas directement. Quelques heures plus tard, en digérant la lecture du deuxième SMS qui égrenait le nom des victimes, j'ai commencé à prendre conscience que ça nous concernait tous directement. Toutefois, la deuxième lecture du premier message avait suffit à me convaincre d'ouvrir exceptionnellement le judas à l'actualité qui frappait à la porte du bunker.

J'ai décalé le tuner de l'autoradio au hasard, et c'est France Bleu qui m'a retransmis, non sans quelque cafouillage à la clé, le premier discours du Président en direct. Peu après que le journaliste se soit replié sur ses mauvais réflexes ("alors, chère envoyée spéciale, qu'est-ce que les gens disent dans la rue autour de vous ?"), j'ai estimé que cette première audience avait suffisamment duré. Je suis donc retourné à la musique de Nova, où l'animateur de l'émission n'a pas manqué de glisser un commentaire de circonstance, dont la mesure et la justesse m'ont semblé contraster avec le verbiage journalistique duquel je m'éloignait justement.

Des audiences, il y allait nécessairement en avoir d'autres dans les heures et les jours à venir. Et je n'ai pas manqué de noter la capacité de chacune, avec son lot de précisions, à attiser vivement la flamme de mon indignation et de ma stupeur. Un ou deux flash infos sur le trajet retour, en soirée. Aucun ne communiquant la liste des noms des 8 victimes non dessinateurs, ce qui m'a choqué. Nul doute qu'elle fut publiée par ailleurs, mais je ne la connais toujours pas intégralement. Seule l'identité de l'économiste qui animait les matinées de ma jeunesse m'est parvenue depuis. Non pas que j'ai souhaité (ni pu) refermer la porte du bunker à double tour, mais elle ne reste qu'entrebaillée. Horreur : quelques messages provenant des forums de réactions honnis parviennent même à se frayer un chemin par l'interstice...

Et alors ? Suis-je suffisamment mediaphobe pour me réjouir, si ce n'est de la méthode, au moins du résultat ? Non, évidemment. Je reste "voltairien" avant tout (même s'il s'avère que la fameuse citation, promettant de se battre jusqu'à la mort pour la liberté d'expression de ses contradicteurs, ne soit pas de lui), et puis...
Et puis Charlie n'est pas parfait, mais c'est très très loin sur le spectre des médias qui m'ont donné la nausée par leur formatage, leur standardisation et leurs éléments de langage. C'est même tout le contraire en fait. Ce qui ne veut pas dire pour autant que je me serais réjoui d'une fusillade au Monde, chez Libé ou au Figaro !
Et puis Charlie, c'est l'un des très rares médias auxquels je me sois abonné. Le tout premier de ma vie d'adulte, même. Vers 17 ans, mais je me sentais déjà trop vieux pour le lire. Trop de caca-pipi à mon goût, j'ai passé mon chemin après moins d'un an. Ce n'était probablement pas la meilleure période non plus, l'ère Philippe Val. N'empêche que certaines couv' restent gravées dans ma mémoire.

C'est notamment le cas de celle de Mahomet qui se plaint d'être aimé par des cons. Bien meilleure que les caricatures scandinaves originales, à mon sens. C'est très rapidement à elle que j'ai pensée mercredi après-midi, en me disant "si la Presse avait des couilles, ce dessin serait à la Une de tous les journaux demain". Y'en a-t-il un seul qui l'a fait ? Pour ma part, je l'ai préférée au monochrome noir ou au "je suis Charlie" pour ma photo de profil du réseau-social-que-vous-savez. Une véritable catastrophe d'ailleurs ce niouzefide depuis 48h. Heureusement, je tiens bon ! Je n'ai pas lu ni entendu (et encore moins regardé ! Dieu et Allah puissent-ils unir leurs forces pour en préserver l'athée que je suis...) la moindre info concernant la chasse à l'homme du GIGN dans une imprimerie de Picardie, Seine-et-Marne ou où-sais-je. Alors, c'était bien cette année ? En direct, comme Khaled Kelkal ? Tiens, d'ailleurs : je ne connais même pas le nom des deux suspects abattus. Si, si, je vous assure. Mon bunker a de beaux restes.