mercredi 19 novembre 2014

Du stripteaseur nain au scandale d'état

Au secours ! La presse en ligne revient… Promis, j'avais arrêté. Complètement. Et même passé une honorable période de sevrage. Que s'est-il passé ? Tentons de remonter le fil. Aux origines… il y a probablement eu Yahoo! News, et sa fameuse rubrique "insolite". J'ai même deux copains qui sont encore accros, plus de dix ans après la fin des études ! Et comme ils n'ont pas passé le cap des réseaux sociaux non plus, c'est par mail qu'ils nous transmettent leur trouvailles. Oh, ça va : on plafonne à 2 ou 3 par an. La dernière, c'était la jeune mariée espagnole enceinte du strip-teaseur nain. Vous y avez eu droit aussi ? Eh oui, c'est comme ça. C'est comme le scootergate, il y a des news auxquelles on ne peut pas échapper…

Donc au commencement était Yahoo! News, supplanté (comme son moteur de recherche) par Google Actualités, meilleur compagnon des étudiants et salariés désœuvrés de tous poils, qui ont toujours un onglet ouvert, et le pouce et l'annulaire arc-boutés sur les touches alt et tab pour dissimuler le péché dès qu'une ombre se manifeste dans leur dos (ah bon, vous n'utilisez pas l'annulaire, vous ?) Ensuite, au-delà de la déception des versions web de la presse traditionnelle, perdus dans leurs grandes interrogations sur le partage du contenu et le modèle économique à adopter, nous avons vu émerger des pure players avec des contenus dignes d'intérêts.

Evidemment, ce n'est pas le même débit que les agrégateurs façon Google et Yahoo! mais une fois qu'on a trouvé une source à son goût, on peut la boire jusqu'à l'origine des temps. C'est notamment ce que j'ai fait avec backchich. L'ancienne version, bien sûr, époque Nicolas Beau. Ah lala, même deux ans plus tard, qu'est-ce que je me suis poilé devant les premières vidéos de l'ancienne barbouze du RPR flinguant "le Kaïser Sarkoko" et "Tristounet 1er " comme à la foire. Las, backchich est mort. Je n'ai pas raté la mode rue89 non plus. Mais le rachat par le nouvel obs m'a stoppé net. J'y allais presque tous les jours et je ne pense pas y être retourné lire un seul article depuis. Pourtant probablement que la ligne éditoriale est restée plus ou moins la même… question de principe, rien que de voir le logo dans la manchette, je risquais de développer un urticaire. Traumatisé, je vous disais.

La presse en ligne, c'est fourbe, ça colle aux doigts comme le sparadrap du capitaine Haddock dans le sceptre d'Ottokar. Même lorsqu'on a réussi à rompre avec l'onglet Google Actualités ouvert toute la journée au-cas-où-il-se-passe-un-truc-dont-on-pourrait-parler-à-la-pause-café, les liens reviennent partout à longueur de journée : revue de presse, boite mail, réseaux sociaux… et à la fin de l'article, deux pièges atroces attendent le lecteur : des liens vers d'autres articles, sournoisement calculés par de vicieux algorithmes ayant étudié les tréfonds de l'intimité de vos cookies pour suggérer LE titre racoleur sur lequel vous ne pourrez résister à cliquer, tout en ayant un peu honte de le faire, mais pas trop, et surtout, l'horreur absolue offerte par le fameux "internet-deux-point-zéro", dont la lecture est capable de rendre misanthrope n'importe quel sage bouddhiste : le forum des réaction(naire)s.

Bon, dis comme ça, ça ne donne pas vraiment envie de replonger. Comment diable le bout de sparadrap a-t-il pu passer la porte de mon bunker anti-médias après en avoir été si courageusement chassé ? Voilà, j'avoue, c'est très simple. Après dix ans d'une héroïque résistance contre vents et marées, j'ai, je sais Monsieur le Juge, je n'aurais pas dû, voilà, eh ben, j'ai… créé un compte Facebook. "Pour raisons professionnelles" m'empressé-je immédiatement de préciser. Il ne porte pas mon nom mais celui de ma marque, je n'y poste pas de photos de mes gosses mais celles de mes créations, etc. C'est dans l'espoir de faire vivre ma famille avec un gagne-pain moins crasse que celui qui m'est promis dans les couloirs de cette grande entreprise que j'arpente depuis de trop longues années, voyez-vous. Une noble intention, quoi. Ce n'est pas du tout pour envoyer des like et des poke à longueur de journée sur des blagues de potache, ouhlala, non, Dieu me tripote… N'empêche ! J'ai des vrais amis qui sont devenus des amis Facebook. Il y en a même qui ont de l'humour voire de l'esprit. Et qui l'expriment sur Facebook. Ce qui m'attire irrépressiblement vers la lecture de ce "fil d'actualités" qui ne porte que trop bien son nom tant il regorge d'articles de presse, de surcroît recommandés par des amis, les vrais et les faux. Bon, dans 95% des cas je me contente de la lecture du titre, mais c'est déjà trop à mon goût. Et puis parfois, je craque : je suis le lien et lis l'article. Hier soir, c'était Mediapart qui s'offusquait que l'AFP, et dans son sillage tous les autres médias, refusent de relayer leur information concernant la publication du rapport d'expertise graphologique commandité par la justice attestant l'authenticité du document qui prouve que Kadhafi a bien financé la campagne présidentielle de Sarkozy à hauteur de 50 millions. Bigre ! Me voici détenteur d'une information de la plus haute importance ignorée du grand public. Je vous l'avais bien dit : la presse en ligne, c'est dangereux.