samedi 10 janvier 2015

Pris d'assaut

J'étais en voiture. Ce qui explique que j'ai lu le SMS suffisamment en diagonale pour ne pas comprendre son contenu du premier coup. À la relecture, j'ai compris que ça ne me concernait pas directement. Quelques heures plus tard, en digérant la lecture du deuxième SMS qui égrenait le nom des victimes, j'ai commencé à prendre conscience que ça nous concernait tous directement. Toutefois, la deuxième lecture du premier message avait suffit à me convaincre d'ouvrir exceptionnellement le judas à l'actualité qui frappait à la porte du bunker.

J'ai décalé le tuner de l'autoradio au hasard, et c'est France Bleu qui m'a retransmis, non sans quelque cafouillage à la clé, le premier discours du Président en direct. Peu après que le journaliste se soit replié sur ses mauvais réflexes ("alors, chère envoyée spéciale, qu'est-ce que les gens disent dans la rue autour de vous ?"), j'ai estimé que cette première audience avait suffisamment duré. Je suis donc retourné à la musique de Nova, où l'animateur de l'émission n'a pas manqué de glisser un commentaire de circonstance, dont la mesure et la justesse m'ont semblé contraster avec le verbiage journalistique duquel je m'éloignait justement.

Des audiences, il y allait nécessairement en avoir d'autres dans les heures et les jours à venir. Et je n'ai pas manqué de noter la capacité de chacune, avec son lot de précisions, à attiser vivement la flamme de mon indignation et de ma stupeur. Un ou deux flash infos sur le trajet retour, en soirée. Aucun ne communiquant la liste des noms des 8 victimes non dessinateurs, ce qui m'a choqué. Nul doute qu'elle fut publiée par ailleurs, mais je ne la connais toujours pas intégralement. Seule l'identité de l'économiste qui animait les matinées de ma jeunesse m'est parvenue depuis. Non pas que j'ai souhaité (ni pu) refermer la porte du bunker à double tour, mais elle ne reste qu'entrebaillée. Horreur : quelques messages provenant des forums de réactions honnis parviennent même à se frayer un chemin par l'interstice...

Et alors ? Suis-je suffisamment mediaphobe pour me réjouir, si ce n'est de la méthode, au moins du résultat ? Non, évidemment. Je reste "voltairien" avant tout (même s'il s'avère que la fameuse citation, promettant de se battre jusqu'à la mort pour la liberté d'expression de ses contradicteurs, ne soit pas de lui), et puis...
Et puis Charlie n'est pas parfait, mais c'est très très loin sur le spectre des médias qui m'ont donné la nausée par leur formatage, leur standardisation et leurs éléments de langage. C'est même tout le contraire en fait. Ce qui ne veut pas dire pour autant que je me serais réjoui d'une fusillade au Monde, chez Libé ou au Figaro !
Et puis Charlie, c'est l'un des très rares médias auxquels je me sois abonné. Le tout premier de ma vie d'adulte, même. Vers 17 ans, mais je me sentais déjà trop vieux pour le lire. Trop de caca-pipi à mon goût, j'ai passé mon chemin après moins d'un an. Ce n'était probablement pas la meilleure période non plus, l'ère Philippe Val. N'empêche que certaines couv' restent gravées dans ma mémoire.

C'est notamment le cas de celle de Mahomet qui se plaint d'être aimé par des cons. Bien meilleure que les caricatures scandinaves originales, à mon sens. C'est très rapidement à elle que j'ai pensée mercredi après-midi, en me disant "si la Presse avait des couilles, ce dessin serait à la Une de tous les journaux demain". Y'en a-t-il un seul qui l'a fait ? Pour ma part, je l'ai préférée au monochrome noir ou au "je suis Charlie" pour ma photo de profil du réseau-social-que-vous-savez. Une véritable catastrophe d'ailleurs ce niouzefide depuis 48h. Heureusement, je tiens bon ! Je n'ai pas lu ni entendu (et encore moins regardé ! Dieu et Allah puissent-ils unir leurs forces pour en préserver l'athée que je suis...) la moindre info concernant la chasse à l'homme du GIGN dans une imprimerie de Picardie, Seine-et-Marne ou où-sais-je. Alors, c'était bien cette année ? En direct, comme Khaled Kelkal ? Tiens, d'ailleurs : je ne connais même pas le nom des deux suspects abattus. Si, si, je vous assure. Mon bunker a de beaux restes.